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L’éducation à l’environnement sort des sentiers battus - "Reporterre"

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L’éducation à l’environnement sort des sentiers battus - "Reporterre" Empty L’éducation à l’environnement sort des sentiers battus - "Reporterre"

Message par Romaric Sam 25 Avr - 15:01

Les professionnels de l’éducation à l’environnement remettent en question leurs pratiques.
L’idée phare : pour apprendre autrement, il faut sortir dehors, par et avec la nature.


- Jambville (Yvelines), reportage

Aux abords du Parc régional du Vexin, devant la grille du château de Jambville, il fait froid, humide, avec un désagréable vent d’ouest en rafale. Je rejoins l’entrée juste à temps pour assister au début de l’un des nombreux ateliers de ces rencontres de la « dynamique Sortir ». Trois jours déjà que quatre-vingt personnes sont venues de toute la France pour réfléchir ensemble à leurs pratiques en matière d’éducation à l’environnement.
Ce métier né dans les années 1980 mêle le savoir-faire de l’animation, qu’elle soit en centre aéré, en colonie de vacances, dans des associations ou dans les écoles, avec des connaissances naturalistes, botanistes ainsi que d’écologie scientifique. En vingt ans, cette profession s’est dotée de structures propres, d’un réseau institutionnel lié aux ministères chargés de la Jeunesse et des Sports ainsi que de formations professionnelles à « l’éducation à l’environnement et au développement durable » (EEDD).

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Le Réseau Ecole et Nature rassemble au niveau national les éducateurs à l’environnement et maille le territoire avec les Groupements régionaux d’animation et d’information sur la nature et l’environnement (Graine).
Mais si, à l’origine, les activités avaient une connexion directe avec l’environnement, l’animation s’est peu à peu enfermée dans des « boites ». Ainsi, dans les classes, les enfants sont le plus souvent confrontés à des animations à partir de mallettes pédagogiques clef en main, sans contact avec l’extérieur.

Sortir de l’enfermement

Ces pratiques se substituent à d’autres qui plaçaient les enfants en contact direct avec la nature. Concrètement, « sortir » désigne toute activité en extérieur, du jardin partagé au bivouac en passant par le mini-camp, la randonnée, l’animation en forêt, la sortie scolaire de « classe verte » dans un parc naturel ou dans une ferme pédagogique, mais aussi la simple contemplation de la nature, à toutes les échelles.
Or, durant les années 2000, « toutes ces activités sont devenues à la fois moins suggérées et moins financées », dit Louis Espinassous, pionnier de l’animation en pleine nature. En cause, les contraintes toujours plus grandes en matière de sécurité, d’hygiène, la politique du « risque zéro », mais aussi les restrictions budgétaires qui empêchent de concevoir des « classes vertes ».
Enfin a grandi une « peur de la nature » dans toute la population. Car le problème de l’enfermement est un problème global : « On passe nos vies dans des boîtes : on quitte sa maison pour être dans sa « caisse » pour aller travailler dans une « boîte » avant de finir sa vie dans une autre boîte, je vous laisse imaginer laquelle », rappelle régulièrement le paysan-philosophe Pierre Rabhi.

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Contre cette tendance mortifère, des premières rencontres intitulées « Sortir, une pratique en danger » s’organisent en 2009, sous l’impulsion de Louis Espinassous, Jacques Lachambre, de l’association Education Environnement 64, Sylvie Kempf, directrice du centre du Merlet (30) et enfin l’association Jeunes et Nature. Immédiatement un principe s’impose : « Un temps d’échange, dehors, pour se rencontrer, pendant deux jours et ensuite nous nous focalisons sur la production et l’action. »

Une nuit à la belle étoile, ça fait briller les yeux

Loin d’un colloque théorique, les rencontres Sortir sont ainsi un véritable moment de création d’outils pratiques, comme en témoigne la diversité des ateliers : un second tome pour leur guide Sortir : dans la nature avec un groupe, l’élaboration d’une plaquette à destination des directeurs de structures d’accueil collectif de mineurs (centre aéré, colonies de vacances, associations, …) ou encore d’outils pour informer les Agences régionales de santé sur les bienfaits thérapeutiques du « dehors ».
Chaque fois, il s’agit de rassurer des professionnels et des personnes en responsabilité pour les convaincre de se saisir eux-mêmes de la question. Cela permet d’évacuer les craintes et de démontrer que même avec les restrictions actuelles, l’animation « dehors » est possible et légale.

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Sept années de rencontres ont permis d’aboutir à la création d’une formation spécifique « vivre et animer dehors ». Cette année, il s’agit de réfléchir à la mise en place de « coins de nature », dans les écoles mais aussi dans des zones urbaines dé-naturées pour reconnecter les différents publics avec la nature sans avoir à faire des kilomètres pour s’échapper des villes.
La nature doit-elle être « sauvage » ? « Un carré de gazon est-il un coin de nature ? », interroge une participante. Le lien est également fait avec des pratiques d’éducation populaire et de pédagogies alternatives (Steiner, Montessori, Freinet).
Une attention particulière est portée sur « l’autonomie des enfants », avec des schémas explicatifs partant d’une idée simple : le meilleur moyen d’apprendre c’est de faire soi-même et d’y être accompagné. Exemple avec le « jeu libre », situation où l’enfant, seul ou accompagné peut inventer, créer, imaginer des jeux, sous le regard discret mais bien présent d’un animateur qui n’intervient qu’en cas de besoin.

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Comme souvent dans le secteur de l’animation, la majorité des personnes présentes sont des femmes. Et loin d’une sensibilité fleur bleue, nous avons affaire à des militantes de l’animation nature comme on me l’explique au cours du repas : « Les ZAD, les luttes écologistes, on est bien évidemment des relais de toutes ces luttes. Mais notre boulot c’est de donner le goût de la nature, l’envie de l’aimer et de la préserver aux plus jeunes. »
Et aux autres aussi. Sophie Descarpentries, co-présidente du réseau Ecole et Nature, raconte que « face à une assemblée d’élus, de fonctionnaires, quand vous évoquez une nuit à la belle étoile, un feu de camp, une sortie dehors, je peux vous dire qu’il y a quelque chose qui brille dans leurs yeux, même en costard-cravate ! ».
Le réseau Ecole et Nature finance directement les activités du groupe Sortir, via des subventions au ministère de la Ville, de la jeunesse et des sports, mais aussi avec la Fondation Nature et Découverte. Mais si la dynamique dépasse ce cadre. « Sortir, c’est très ouvert », lance, malicieuse, Maëlle Guéroult, la coordinatrice salariée de la dynamique Sortir, qui accueille « toutes les personnes qui ont envie de militer en faveur de l’éducation dans la nature, dehors ».

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Maëlle Guéroult

Elle précise : « Nous ne sommes pas liés à un mouvement, notre point fort, c’est notre diversité. » La plupart des adhérents provient du secteur associatif, qu’il s’agisse des CPIE (Centre permanent d’initiative pour l’environnement) et d’autres lieux associatifs, de l’éducation populaire avec les CEMEA (Centres d’entrainement aux méthodes d’éducation active) ou encore la Ligue de l’Enseignement, des collectivités locales, des centres de loisirs…
Pour mieux s’organiser dans cette pluralité d’approches, des groupes locaux décentralisés ont été créés dans plusieurs départements. « En rentrant chez eux, beaucoup de participants avaient envie d’agir sur leur territoire. De là sont nés les dynamiques en territoires. Ces groupes sont précieux pour la dynamique nationale car ils sont sur le terrain et sont des relais des actions que nous portons », souligne Maëlle. Une bonne manière également pour trouver chaque année un nouveau lieu pour accueillir les rencontres : Franche-Comté, Auvergne, ouest parisien, … il s’agit à chaque fois pour les hôtes de faire découvrir un territoire. Et l’on découvre, presque surpris, que la nature de la région Ile-de-France reste riche malgré son urbanisation croissante.

Comment faire entrer dans la grille d’analyse un chant autour du feu de camp ?

Les animateurs eux-mêmes n’échappent pas à cette volonté d’aller au dehors, chaque rencontre annuelle débute par une immersion en pleine nature. Cette année, six groupes sont ainsi allés explorer la nature en Ile-de-France : entre une balade sur les traces des impressionnistes, un jeu d’orientation de la ville à la campagne du Vexin ou encore une nuit en camping à la ferme malgré les froids hivernaux, « il suffit de bien se couvrir ! », souffle une participante.
Des expériences essentielles pour Maëlle : « Pour certains, ce sont des expériences fondatrices. L’an dernier, une animatrice nature a ainsi pu vivre sa première nuit à la belle étoile, une expérience inoubliable ».
Le problème, c’est que ces pratiques d’éducation sont difficiles à faire admettre aux pouvoirs publics : comment faire entrer dans les grilles d’analyse de l’administration le fait d’avoir créé un « souvenir d’enfance » à un jeune qui a vu une pluie d’étoiles filantes au milieu de l’été en chantant devant un feu de camp ?

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Le secteur de l’animation n’est pas épargné par les coupes budgétaires qui menacent le tissu associatif. Sophie Descarpentries raconte : « Fin 2014, nous avons eu le dialogue de gestion avec les DREAL (Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement). » Stupeur : la ligne budgétaire « éducation à l’environnement » avait tout bonnement disparu du budget 2015. « Ils nous ont dit : ’c’est transversal donc c’est partout’. Mais cela conduit à ce que ces financements disparaissent ».
Après mobilisation des réseaux de soutien, la ligne budgétaire a finalement été réintégrée. « Il s’agit de faire comprendre l’importance cruciale de l’éducation à l’environnement pour mettre en œuvre la nouvelle loi de transition énergétique. » Qui de mieux que des personnes chargées d’apprendre aux jeunes et moins jeunes à aimer et protéger la nature pour donner des clefs pour faire cette transition écologique ?

Le syndrome du manque de nature

L’éducation à l’environnement serait-elle politique ? La question n’est pas posée directement, le travail s’en tenant à « convaincre les ministères et les institutions locales ». Il demeure compliqué, quand une association d’animation nature est quasi exclusivement financée par des élus locaux, de s’opposer aux projets anti-écologiques de ceux-ci, comme certaines en ont fait l’amère expérience en Isère ou dans le Tarn. « Mais beaucoup d’animateurs veulent revenir aux sources de ce qu’est le lien à la nature, souligne Maëlle Guéroult. Cette idée là grandit, les gens se rendent compte que quelque chose cloche. »
Car sortir devient un véritable problème de santé publique. De récentes études scientifiques font état de l’existence d’un « syndrome du manque de nature » dans les sociétés actuelles. Enfermés constamment, sans se confronter avec un environnement naturel aux formes géométriques non linéaires, beaucoup de nos contemporains souffriraient de ce « syndrome » qui aurait des implications dans l’obésité, l’hyperactivité, les troubles de la concentration, etc.

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Pour reprendre le chemin de l’école buissonnière, rien ne vaut une mise en pratique. La veillée du dernier soir sera un repas trappeur, au feu de bois, sous tente, animée par un spectacle théâtral avec « les fables du Pistil ». Puis, le lendemain, au lieu d’au-revoir traditionnels, les organisateurs ont décidé de faire une petite animation, en extérieur évidemment. Les voilà partis à s’élancer dans un grand champ boueux main dans la main avec pour seul objectif d’arriver ensemble à l’autre bout.
Un jeu coopératif, où tout le monde gagne ou tout le monde perd. Puis, c’est la « rumeur », chacun trouve un mot pour résumer la semaine qu’il chuchote d’abord puis, en entendant celui des autres, l’échange, le modifie, et monte en volume avant de l’hurler bien fort dans un spectacle haut en couleur.

Ecoutez : la « rumeur »

Une participante conclut : « C’est ça les rencontres. Un grand moment de joie, de plaisir où on se donne de l’énergie pour agir ensemble ». Tous ont en tête les éléments du plan d’action, les contacts s’échangent, la dynamique a vocation à s’étendre « jusqu’à ce qu’on n’ait un jour plus besoin de nous car on aura tous récupéré ce lien avec l’environnement », imagine Maëlle.
Malheureusement, la question de l’éducation au lien avec la nature, comme de nombreux sujets portés majoritairement par des femmes, reste à ce jour totalement absente des priorités politiques y compris dans les partis qui se réclament de l’écologie. Comme souvent, l’accent est porté sur l’économie, les créations d’emploi, le modèle de financement.
Et pourtant, comment pourrait-on réaliser un changement de société vers une sobriété heureuse sans avoir un système éducatif qui fasse de nous des êtres autonomes, libres, conscients et en harmonie avec l’environnement ?

SORTIR CHEZ LES SCOUTS

La philosophie des animateurs nature du groupe Sortir n’est pas sans rappeler certains fondements du scoutisme. Le mouvement des Scouts et Guides de France (catholique) fait d’ailleurs partie des membres du réseau et c’est lui qui accueillait cette année les rencontres au Château de Jambville, leur centre national de formation.
Pour Catherine Larrieu, directrice générale des Scouts et Guides de France : « Notre but est de former des citoyens, utiles actifs, heureux et artisans de paix. Pour autant, depuis le début, le scoutisme se vit dans la nature, le milieu de vie normal des Hommes ».
Pour elle la nature permet « de se découvrir soi-même, découvrir la beauté, de ressentir le temps et de savoir dépasser les difficultés ». Ce mouvement chrétien mais aussi d’éducation populaire compte en France 71 000 membres et travaille depuis un siècle auprès des jeunes à leur apprendre à construire des cabanes, se débrouiller dans les bois, de manière essentiellement bénévole.

Source et photos : Grégoire Souchay pour Reporterre
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